En France, 30% des transports de passagers se font toujours en voiture. Cela représente approximativement 20% des émissions de gaz à effet de serre. C’est encore trop. Toutefois, ces dernières années ont vu le déploiement de nouvelles pratiques dans la manière de se déplacer. Le covoiturage qui au départ semblait être une idée farfelue est aujourd’hui une véritable activité commerciale. Comme pour l’’éco-conduite, le covoiturage s’intègre de plus en plus naturellement dans les RSE des entreprises.
En Polynésie, les journaux nous annoncent le lancement de Terenia, la première application mobile de covoiturage à Tahiti et dans les îles. Une initiative courageuse à mettre au crédit d’un jeune polynésien, Javan Rahiti. Tout naturellement, on se dit que c’est une bonne idée pour notre planète. Logique, on partage une voiture à plusieurs plutôt que de prendre chacun sa voiture, il y a moins de trafic, moins d’émission de CO2, conclusion une excellente initiative pour l’environnement.
Or, étonnamment, le pitch commercial de Terenia ne mentionne pas clairement l’argument écologique. Faut-il y avoir un doute sur la réalité de son impact écologique ? De toute façon, peut-on encore envisager l’utilisation de la voiture sans culpabiliser pour la planète ?
L’essentiel des trajets de covoiturage porte actuellement sur des déplacements moyennes et longues distances. Elle ne concerne pas ou trop peu les allers-retours domicile-travail de proximité. Selon le Ministère de la transition écologique, les freins au développement du covoiturage de proximité se résument principalement au faible intérêt financier pour le covoitureur comme pour le covoituré, à la « peur de l’inconnu » ou aux incertitudes liées au trajet retour. En France, le covoiturage est reconnu officiellement comme un véritable mode de transport collectif et défini dans la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte (TECV).
Cette reconnaissance règlementaire est devenue une nécessité puisqu’il s’organise aujourd’hui comme un véritable business. La Poste France, pour ne citer qu’elle, s’est lancée depuis quelques années déjà dans ce secteur. En 2016, elle annonçait qu’elle développait ses activités « d’'écomobilité collaborative, d'autopartage et de covoiturage courte distance à destination des entreprises et administrations, en coopération avec des start-up ». Elle présentait également sa nouvelle entité Bemobi dont l’objet est « d’améliorer l'efficacité énergétique des déplacements ». Il est logique qu’une entité comme la Poste, disposant d’un parc automobile aussi important que le sien, investisse dans la recherche d’efficacité énergétique par souci d’économie. La préoccupation écologique, même si elle a été au départ de cette volonté, n’est pas ou plus forcément le moteur de leur démarche.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ainsi que le Commissariat Général du Développement Durable (CGDD) ont rendu leurs rapports portant sur la période 2015, 2016 et début 2017. Les deux études concernent 1.500 pratiquants du covoiturage, évalués selon deux critères, le taux de remplissage de la voiture et le report modal, c'est-à-dire le moyen de transport qui aurait été utilisé si le covoiturage n’avait pas été possible. Elles montrent que le covoiturage longue distance contribue très peu aux réductions d’émissions de gaz à effet de serre.
Selon l’Ademe, avec 5 à 10% de voitures en moins sur les routes grâce au covoiturage, le gain de CO2 est compris entre 8 et 14%. Il s’agit de la différence entre les émissions du trajet en covoiturage et les émissions induites par les différents modes de transports qui auraient été choisis par les membres de l’équipage si le covoiturage n’avait pas été disponible. On peut dire que c'est toujours mieux que rien, à condition d’éviter les effets rebond tel que la multiplication des trajets.
Si le gain écologique n’est finalement pas clairement établi pour le covoiturage longues distances, il n’y a peu de doute sur les économies financières que peuvent générer ce mode de transport. Si l’entreprise militait plus activement parmi ses salariés jusqu’à rendre la pratique de ces modes de transport suffisamment courante pour entrer dans les habitudes, son impact écologique serait plus évidente. Pas si simple dirait-on. Pour l’éco-conduite par exemple, si juste après une formation en éco-conduite, les gains en carburants peuvent atteindre 15 à 40 %, le naturel revient assez vite au galop et adieu les bonnes pratiques. Dans ces domaines, il faut surtout être réaliste et se donner des objectifs réalisables pour que ces fruits perdurent dans le temps.