www.ladepeche.pf - jeudi 9 février 2017
Objectif : permettre à l’Autorité polynésienne de la concurrence, créée il y a tout juste deux ans, “d’assurer pleinement sa mission” en complétant le droit local de la concurrence par des dispositions qui relèvent de la compétence de l’État.
“Ce qui est important, c’est que ça met en place des pouvoirs d’investigation forts auprès des entreprises et des services de l’État et du Pays”, résume Jacques Mérot, le président de l’autorité administrative indépendante. “On devrait maintenant approcher de la plénitude de nos moyens. Et c’est une bonne nouvelle surtout pour les justiciables, parce qu’avec cette ordonnance, ils vont connaître leurs voies de recours.”
Avec cette ordonnance, dont la dernière version n’a pas encore été communiquée à Jacques Mérot, l’Autorité polynésienne de la concurrence devrait pouvoir demander à tout service administratif, de l’État ou de la Polynésie, y compris les établissements publics, de lui donner des informations. “Y compris la justice”, ajoute Jacques Mérot. “C’est une obligation, assortie d’une sanction financière. Aucun d’entre eux ne peut nous opposer le secret professionnel, que nous garantissons de bien protéger. C’est pour ça qu’on a sécurisé nos locaux.”
Une vingtaine d’entreprises seulement, sur environ 400, avait joué le jeu pour nourrir le rapport 2016 de l’Observatoire des concentrations. Elles seront mises en demeure de le faire à l’avenir. “On leur donne une chance, mais c’est la dernière”, avertit Jacques Mérot.
L’ordonnance, dont les dispositions entreront en vigueur au plus tard le 30 juin, devrait également permettre aux rapporteurs de l’autorité de mener des “opérations de visite et de saisie”. “Schématiquement, c’est comme une perquisition”, explique le président. “Ça se passe en présence d’officiers de police judiciaire, avec l’autorisation du juge auquel notre rapporteure générale doit avoir donné suffisamment d’éléments convaincants.”
Une opération de visite et de saisie, ou l’autorisation du juge s’y rapportant, pourra être contestée devant le premier président de la cour d’appel de Papeete, puis devant la cour de cassation. “Tout cela est très sécurisé”, promet Jacques Mérot.
Les décisions quasi-juridictionnelles de l’Autorité polynésienne de la concurrence elle-même, qui a le pouvoir de mettre des amendes, peuvent déjà faire l’objet d’un appel, devant le juge judiciaire si elles concernent des pratiques anticoncurrentielles et devant le juge administratif en matière de contrôle des concentrations et des surfaces commerciales.
La Polynésie française s’est dotée de son propre code de la concurrence en 2014. L’Autorité polynésienne de la concurrence, créée dans la foulée, n’a donc pas attendu cette ordonnance du conseil des ministres national pour commencer son travail.
“Les amendes, on peut déjà les prendre. Par exemple, si des entreprises sont convaincues d’une entente ou d’un abus de position dominante, ça va jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires”, précise Jacques Mérot. “On ne l’a pas encore fait parce que ce sont des investigations longues, mais il est possible qu’on arrive bientôt au terme d’un dossier et qu’on sanctionne. On a même eu des demandes de mesures conservatoires, c’est-à-dire d’une entreprise qui estime que le comportement d’une autre lui fait courir un danger de mort.”
L’autorité indépendante contrôle aussi les concentrations, dans l’hôtellerie, dans les transports interinsulaires…
“Jusqu’à maintenant, on a autorisé une bonne dizaine d’opérations de concentration, parfois sous conditions”, raconte son président. “Mais on pourrait aussi mettre des amendes en cas de fusion importante sans nous avoir consultés, ou si nos conditions n’étaient pas respectées.” Idem pour une surface commerciale de plus de 300 m2 créée sans autorisation : “On pourrait lui demander de fermer sur le champ.”
Marie Guitton